LA TECHNOLOGIE COMME AVANT-GARDE ARTISTIQUE

Exemple d'une tour du sémaphore.

Exemple d'une tour du sémaphore.

Les premières expériences de communication à distance remontent à plusieurs siècles. Par exemple, à la fin du XVIIIe siècle, l’inventeur français Claude Chappe instaure un système révolutionnaire de communication par chaine de signaux : le sémaphore. Des tours sont placées à intervalles de huit kilomètres environ, où chacune reproduit, une à la suite de l’autre, la forme de la tour précédente pour faire avancer un message codé dans l’espace. 

Le sémaphore était une technologie élitiste car la population n’avait pas été mise dans le secret de son existence avant que ces tours fassent partie intégrante du paysage. D’une certaine façon, l’avancée technologique du téléscripteur rappelle celle du sémaphore dans la mesure où les avancées technologiques n’étaient pas démocratisées ni très accessibles au début des années 1980. 

Dans le cas de LASART, c’est par appropriation que l’art actuel a transgressé les frontières en incluant la technologie dans sa pratique. Il était novateur d’utiliser la technologie à des fins artistiques, aussi bien pour l’art que pour la technologie. D’une part, l’art a élargi les possibilités de la technologie; d’autre part, la technologie a participé à la production artistique et a renouvelé son approche. Le processus artistique était mis en évidence, plutôt que l’objet. De plus, l’utilisation de la technologie par LASART a donné lieu à une démarche de création artistique collaborative qui s’est opérée autant dans la sphère personnelle que professionnelle.

Le projet se terminait par un échange d’images par photolaser qui devait être l’aboutissement des communications écrites tenues pendant le mois précédent. Toutefois, les artistes ont rapidement compris que le projet artistique allait bien au-delà du résultat physique de la dernière journée, et que c’est le processus en entier qui était une manifestation artistique.

Un autre cas singulier s’est voulu particulièrement d’avant-garde. Un artiste de Moncton s’est rendu incognito à Alma et, s’identifiant sous le pseudonyme Lorenzo, a communiqué avec les gens de Moncton par le téléscripteur. Le dernier jour, l’artiste, de retour à Moncton, a dévoilé son identité lorsqu’il a envoyé son projet photo par photolaser. La réaction, autant à Alma qu’à Moncton, en a été une de confusion et de surprise.

Cette action de Lorenzo témoigne des possibilités de l’art réseau comme art de performance et de participation. Avec le recul on peut comprendre que son geste est très représentatif des enjeux technologiques de nos jours. Les identités virtuelles inventées, et tous ceux qui embarquent inconsciemment dans ces fictions, sont histoire commune sur le Web. D’une certaine façon, Lorenzo a anticipé les possibilités de jeux d’identités fictives de l’ère télématique.

" Teletype Model 28", sérigraphie, 2015.  /  © Elise Anne LaPlante 2015  /  Photo : Annie France Noël